L’ancien journaliste britannique est le héros d’une série en huit épisodes, dans laquelle il dévide ses théories sur une lointaine civilisation oubliée. Au Royaume-Uni, on le prend depuis longtemps pour un gentil illuminé.
Graham Hancock dans une scène d’“À l’aube de notre histoire”, une série de Netflix.
“‘Pyramidiot’ et ‘cinglé’. Voilà quelques-uns des qualificatifs les moins courtois qui ont été adressés à Graham Hancock” au fil des années, rapporte The Times. À coups de best-sellers (traduits en français aux éditions Pygmalion), cet ancien journaliste britannique, né en 1950, se fait fort de revisiter la préhistoire de l’humanité. Il défend ce que le quotidien londonien qualifie de “théorie surprenante, voire farfelue” : une civilisation avancée et mondialisée, disparue à la fin de l’ère glaciaire, aurait transmis son savoir aux plus anciennes civilisations dont les archéologues ont pu attester l’existence.
Cette civilisation oubliée aurait notamment inculqué l’art de construire les pyramides, raison pour laquelle on retrouverait cette forme architecturale aussi bien en Égypte qu’en Indonésie, en Amérique du Sud ou encore au Cambodge. D’où, aussi, l’épithète “pyramidiot” que traîne Graham Hancock. En 2015, le Sunday Times, dans un article sur un de ses ouvrages, relayait ce propos du géologue américain Paul V. Heinrich :
“Au lieu de découvrir un mystère archéologique, [Hancock] en a tout simplement concocté un.”
Une quête mondiale
Il se trouve qu’en cette fin d’automne Graham Hancock se voit dérouler le tapis rouge sur Netflix. Le 11 novembre, la plateforme de streaming a mis en ligne une série présentée comme “documentaire” dont il est le héros. Dans À l’aube de notre histoire (Ancient Apocalypse en version originale), il parcourt le monde à la recherche de “preuves” de sa théorie.
La bande-annonce de A l'aube de notre histoire en VO : la docu série fait polémique
Alors, comment décrire cette série ? Il s’agit de l’enquête d’un journaliste pseudo-scientifique (je reviendrai sur ce terme plus loin) que l’on suit à travers le monde et notamment différents sites antiques/préhistoriques dans lequel des indices permettent d’imaginer une théorie alternative sur l’histoire des civilisations humaines. Grosso modo, le mythe de l’Atlantide correspondrait à une certaine réalité (Si vous voulez la théorie plus précise, allez regarder ^^).
Si on peut vite se dire : « qu’est-ce que je fais à regarder un documentaire complotiste ? », a mon sens cela vaut quand même le coup d’être regardé. Déjà, l’axe pris n’est pas exactement celui du complotisme : dans le complotisme en général on considère que l’on nous cache des faits volontairement dans le but de nous manipuler. Ici, le principe est plus simplement que la communauté scientifique ne veut pas voir la réalité telle qu’elle est puisque que cela remettrait en question de nombreuses découvertes antérieures. Ainsi, je trouve intéressant de suivre l’enquête menée pour tenter de déstabiliser un dogme longuement établi (en gardant à l’esprit que dans le passé, de nombreuses ‘’certitudes scientifiques’’ ont été finalement remises en question).
Cependant la ou j’émettrais une critique sévère c’est que malgré la démarche que je trouve intéressante, la rhétorique se rapproche malgré tout très fortement du complotisme classique : tout d’abord le raisonnement du style ‘’étant donné que la théorie x (proposée par les scientifiques) n’est pas prouvée avec une certitude absolue (on parle d’évènements datant de millénaires donc difficile à prouver avec certitude de toute façon) alors c’est qu’elle est fausse et que ma théorie y est sans doute vraie’’ et ensuite un acharnement systématique contre les scientifiques (alors certes, étant donné son passif avec les scientifiques, on peut comprendre son animosité envers eux mais il ne faut pas oublier que si les scientifiques changeaient de dogme à chaque fois qu’une piste indiquerait éventuellement autre chose, nous n’aurions aucun modèle solide pour comprendre le monde). Ces points viennent largement déstabiliser l’argumentation et donc les conclusions que l’on peut en tirer.
Malgré cela, au final on nous propose une réelle démarche qui n’a pas une visée scientifique mais réellement pseudo-scientifique : c’est-à-dire que au lieu de s’appuyer sur des preuves très solide pour appuyer une affirmation, on se base sur des éléments très disparates s’éloignant du dogme classique et on imagine une histoire reliant ces éléments entre eux de façon cohérente. Ainsi, ce qui est présentée est très loin d’être des preuves pour la théorie avancée et il faut donc évidemment prendre ce qui est dit avec des immenses pincettes mais cela pousse au questionnement ce qui est globalement une bonne chose je pense. Et si on adhère pas à ce qui est dit du tout (ce qui est dans le droit de chacun), on nous offre au moins un fabuleux voyage à travers le monde et des sites plus impressionnants les uns que les autres, c’est au moins ça de gagné ^^
Finalement je citerai deux gros défauts à ce documentaire : tout d’abord le fait qu’il est proposé par Netflix et présenté comme un documentaire scientifique sans aucun avertissement préalable sur le fait que ce qui est dit est loin d’être suffisamment étayé et ne peut donc pas être pris pour argent comptant. Cela revient presque à de la diffusion de fausses informations. Le second gros défaut est le point de vue extrêmement biaisé de la question : il n’y a à aucun moment de confrontation avec un point de vue opposé pour expliquer pourquoi, en vue de ces éléments, selon un archéologue (présentés réellement comme antagonistes) la théorie du narrateur serait fausse. On se retrouve ainsi embarqué dans une histoire où ne sont présentés que les éléments l’étayant. Il faut alors bien garder à l’esprit que potentiellement, tout ce qui n’est pas montré va dans le sens inverse et que l’on peut trouver bien d’autres explications pour expliquer les phénomènes observées (pour ne citer que cela, la convergence des mythes peut s’analyser d’un point de vue sociologique et non historique).
En résumé, c’est une série nous faisant parcourir le monde et nous poussant au questionnement mais qu’il faut regarder avec un ENORME esprit critique (ce qui est selon moi pas assez mis en avant).